Mensuel gratuit. Dépôt légal à parution.

Directeur de la publication : Jean-François KLETZLEN
Carteret
O428O CERESTE.

N° 6. NOVEMBRE 2000.

Sommaire:

. Editorial
. Boufonado
. Succés universitaires
. Mise au point
. Le testament Imbert
. Conseil municipal
. Hier
 

EDITORIAL.


Tout comme une vulgaire retombée atomique, la maladie de la vache folle a indiscutablement frappé l’homme malgré nos frontières hermétiques aux catastrophes. Affronté par le problème des farines, notre Gouvernement se donne le temps de la réflexion ; à l’issue d’une méditation bardée d’experts et de technocrates, les stocks de farine seront écoulés et le problème ainsi résolu à la satisfaction générale – sauf de ceux que la maladie aura détruits, ces malheureux-pas-de-chance de peu de poids et d’intérêts. Et du panier de la ménagère jusqu’à l’herbager la méfiance parsèmera sa route de ruines, de faillites et de chômage. Mais il n’y aura plus de farines animales ; on pourra donc les interdire sans difficulté.


-------------------------------------------------------------


De tels problèmes, de telles méthodes de les traiter, de telles solutions fourmillent et ont tous pour caractéristique de ne pouvoir exister sans une passivité du citoyen entretenue à coups de berceuse de Jocelyn. Mais où donc les responsables nationaux concernés ont-ils appris à sonder cette passivité et à chanter la berceuse si ce n’est dans les villes et villages qui leur ont tout d’abord fait confiance ?  Chaque dossier communal peut prendre l’allure ou la tournure de ceux de la vache folle, du sang contaminé, des retombées de Tchernobyl ou des O.G.M. De chacun peut pointer l’oreille d’un loup. Mais ce qui scandalise à la longue sur le plan national est au pire toléré avec discrétion sur le plan local.


-------------------------------------------------------------


Il y a peu d’années, le dossier des Logements-Foyers nous fut présenté comme tel ; depuis, le P.O.S. et son énormité en ont révélé d’autres de leur acabit, tout aussi prometteurs de surprises, comme l’eau et l’assainissement, les registres municipaux, la Maison Peyras, les testaments Imbert – et ce dernier exemple est des plus significatifs.


-------------------------------------------------------------

Tous les problèmes du monde ne traversent pas les villages ; plusieurs y naissent et n’en constituent pas le plus beau titre de gloire.

-------------------------------------------------------------

Retour au sommaire

 

BOUFOUNADO

Parterre situé place du Général de Gaulle à l’angle à l’angle du boulevard Victor Hugo troquerait vieux papiers et sacs plastiques contre quelques fleurs ; accepterait surplus de la chapelle d’Isarni.

Mairie Commune A.H-P. recherche 736 249 F. d’honoraires et 174 156 F. de frais divers disparus entre le 24/01/1998 et le 06/11/1999 des comptes de la Maison Peyras. Discrétion exigée.

-------------------------------------------------------------

Le budget d’entretien de la voirie communale s’élève à 600.000 F. pour DIX ANS. Si les chemins appartenaient au Crédit Agricole on les emprunterait et entretiendrait sans barguigner.

-------------------------------------------------------------

Depuis quatre siècles et demi les cyprès isolés marquent les tombes et les demeures protestantes ; aussi notre municipalité en a-t-elle judicieusement orné l’église et la chapelle d’Isarni. Il est vrai que, plantés si près des murs et des fondations, leur avenir est précaire.

-------------------------------------------------------------

Un seul registre manuscrit remarquablement tenu renferme un bon siècle et demi de vie municipale cérestaine. Ce n’est pas à l’ombre des Archives Départementales qu’il devrait reposer, mais au grand jour dans un musée, entouré de tout le respect dû à une espèce disparue.

-------------------------------------------------------------

COUCOU, LE REVOILA.

Un bien beau panneau a été apposé sur la bien belle façade de notre bien belle Mairie. Puisse-t-il nous procurer de saines lectures.

-------------------------------------------------------------

Retour au sommaire

 

SUCCES UNIVERSITAIRE.

Notre conseillère municipale, Melle Christel Mory, vient d’obtenir le diplôme d’études supérieures spécialisées (D.E.S.S.) de droit. LA GARDETO lui présente ses plus sincères félicitations.

-------------------------------------------------------------

Le 2 octobre Melle Isabelle Kletzlen a prêté devant la Cour d’Appel de Bruxelles le serment d’avocat.

-------------------------------------------------------------

Retour au sommaire

 

MISE AU POINT.

A plusieurs reprise LA GARDETO a critiqué l’entretien par la Commune des abords de la chapelle d’Isarni. Monsieur le Maire nous indique que ce terrain a été concédé à bail à la Commune pour un loyer symbolique de 1 F. ; quant aux travaux de ravalement, ils sont exécutés, à leurs frais, par les propriétaires de la chapelle. C’est bien volontiers que LA GARDETO fournit ces précisions à ses lecteurs. Elle suggère que la Commune se donne en emphytéose le terre-plein du presbytère qu’on aimerait voir aussi bien tenu que l’entour de la chapelle.

-------------------------------------------------------------

Retour au sommaire

 

LE(S)  TESTAMENT(S)  IMBERT.

Dans son dernier numéro LA GARDETO publiait une lettre demandant à M. le Maire communication du fameux testament IMBERT. Cette lettre a reçu une réponse qui aurait figuré dans le présent numéro si, la consultation des registres municipaux n’avait révélé la teneur exacte et le calvaire de ce testament, finalement exécuté… à la hache. Cette consultation a été grandement facilitée par M. le Maire lui-même qui s’est préoccupé de rapatrier des Archives Départementales le registre en service en 1945. LA GARDETO tient à renouveler ses remerciements à M. le Maire et à y voir l’heureuse fin de ce parcours du combattant infligé aux lecteurs de tels registres.

-------------------------------------------------------------

Retour au sommaire

 

REUNION DE CONSEIL MUNICIPAL


Le Conseil Municipal s’est réuni dimanche 22 octobre à 11 heures en l’absence de Madame la Première Adjointe et dans une atmosphère détendue et même bon enfant. Son ordre du jour prévoyait essentiellement des mesures d’ordre administratif non dépourvues d’intérêt :

- La première concernait l’ordre de paiement des frais relatifs à la formation d’animatrice de Melle Nathalie PACCHIANO, employée municipale ; il s’agit d’une mesure équitable et de bon sens nécessitée par une question d’âge.

- La deuxième relève du folklore cantonal : les effectifs de notre Gendarmerie ont été portés à huit gendarmes ; il faut donc loger nos gendarmes auxiliaires et la Commune y a pourvu. Mais si Céreste peut s’enorgueillir d’être la ville de garnison du canton, toutes les communes de celui-ci jouissent de la bienfaisante présence de notre force armée ; aussi mettent-elles la main à la poche et participent-elles aux frais de logement. Toutes, sauf une : Reillanne. Il semblerait que ce refus ou cette apathie soit la réponse de berger à la bergère à la suite d’un virement adressé par erreur à Céreste de sommes destinées à Reillanne. Espérons que la Gendarmerie n’aura pas à intervenir dans une bataille de clochers. Déjà notre quatrième adjoint suggère que les gendarmes auxiliaires n’interviennent pas à Reillanne. Scrogneugneu ! courons à la frontière et balkanisons le Canton… Plus judicieusement, le Conseil a décidé d’une nouvelle démarche auprès du Maire de nos voisins. La Paix sera-t-elle sauvée ? Est-ce Munich ?

- Le Conseil a été amené à régulariser l’imputation d’un emprunt souscrit en 1973 pour feu les logements-foyers devenus le Village-vacances ; cet avatar de la pensée de notre antépènultième maire (et non de la précédente municipalité) ayant été concédé par la Commune, cet emprunt devait donc sortir de budget général de celle-ci. C’est maintenant chose faite.

Mais si nous comprenons bien, c’est donc à tort qu’il gonflait encore le passif de la dernière Municipalité ?

- Ont fait également l’objet de réajustements les conditions du transport scolaire (cas des élèves habitant Sainte-Croix) et les tarifs du restaurant scolaire ; ce dernier point a soulevé le problème de l’adaptation des menus aux goûts des enfants. Nous ne voyons qu’une solution à ce casse-tête : l’entonnoir.

Il est également apparu nécessaire d’améliorer les moyens communaux mis à la disposition d’ ‘’Enfance & Jeunesse’’ par une plus grande souplesse.

- La restauration de la porte Notre-Dame sera subventionnée à concurrence de 75% des 372.000 F. de travaux estimés ; d’autres subventions sont sollicitées en vue de la réfection de la rue de la Paix et de l’impasse du porche.

La chose en elle-même n’est pas pour nous déplaire ; mais nous voyons avec appréhension le Parc Naturel Régional du Luberon – dont le P.O.S. n’a pas donné une image idyllique – érigé systématiquement en maître d’œuvre et lancer les appels d’offre : nous risquons fort d’avoir à la longue un village à la Potemkine version P.N.R.L. où celui-ci et le Syndicat d’initiatives subventionneront le dimanche matin un spectacle de tutu-panpan en brayes de velours et taillole. Céreste serait-il devenu la colonie d’une trinité composée du P.N.R.L. de l’Office d’H.L.M. et de la S.E.M. ? Nous pouvons déjà remarquer la très faible participation demandée à celle-ci (18 F/mètre) pour la réfection de la chaussée aussi consulter en mairie le plan des zones Nas des Aires et du Laquet.

Que l’on ne vienne pas sur ce dernier point nous leurrer de ‘’social’’ : n’oublions pas qu’à la demande de M. le quatrième adjoint l’accès aux logements dits sociaux de la maison Peyras est subordonné par décision du Conseil Municipal à la justification du paiement antérieur de deux années de loyers. Débutants s’abstenir.

Au terme de la réunion, Monsieur le Maire a fait part au Conseil de l’obtention par Melle Mory, conseillère municipal, du Diplôme d’Etudes Supérieures Spécialisées de Droit (droit de l’urbanisme). Si Melle Mory entend soutenir une thèse de doctorat, le sujet en est trouvé : ‘’le P.O.S. de Céreste’’.


===============================================================


Il ne se tient pas de Conseil Municipal sans qu’on parle de subventions et que se bâtissent monts et merveilles ‘’puisqu’on peut obtenir des subventions’’. Le mécanisme de la subvention est très utile lorsqu’il permet à une commune aux moyens insuffisants d’accéder aux équipements vitaux pour sa survie ; il devient pervers dès qu’il incite cette commune à se ‘’suréquiper’’ et, pis encore, à se doter d’investissements superflus dont le fonctionnement ne peut être normalement assuré. La subvention est alors la mère du déséquilibre financier, de l’emprunt, de procédés acrobatiques. A l’ère de la Communauté Européenne il est aisé de comprendre que celle-ci n’a pas pour vocation de saupoudrer de subventions les quelque trente-cinq mille communes de France : il leur faudra se regrouper et celles qui aujourd’hui tendent la sébile à tout venant ne seront pas celles autour desquelles leurs voisines se regrouperont ; la disparition les guette, et cette disparition n’est pas pour les calendes grecques.

     Les subventions ne couvrent jamais la totalité de la réalisation envisagée : une part demeure à la charge de la commune qui, pour rétrécir cette part, aura tendance à ‘’gonfler’’ le devis ; c’est le même principe que celui de la fausse facture. Mais encore faut-il que cette part soit financée par la commune, soit sur ses disponibilités, soit par emprunt. Or une commune doit, en principe, assurer ses dépenses de fonctionnement, de gré ou de force ; étant donné que le volume de ses ressources normales n’est extensible que par une majoration d’impôts ou une prospérité accrue de ses habitants, les disponibilités de la commune sont faibles. Ce sont elles qui définissent la marge de manœuvre, la capacité pour la commune de procéder à de nouveaux investissements. Et cette marge est rognée par le remboursement des emprunts nouveaux et des frais de fonctionnement inhérents à chaque nouvel investissement, jusqu’à épuisement total.

     Le cas de la Maison Peyras est un exemple flagrant de cette perversion. Sans entrer dans le labyrinthe de chiffres contradictoires (qui fera l’objet d’une prochaine étude) et en se basant sur les seuls chiffres proclamés le 6/11/1999 par M. le Maire lors d’une des inaugurations de l’ouvrage, on relève : total travaux et équipement : 3.900.583,42 F. Cela signifie que faute de disponibilités, la Municipalité a dû recourir à l’emprunt et à l’escamotage du legs Imbert – tout comme, dans le passé, la vente de la Charité a fondu dans la prestigieuse opération des Logements-Foyers. Et nul ne souffle mot, dans le coût de la Maison Peyras, des 350.000 F HT d’aménagement des espaces extérieurs (C.M. du 3/10/1998) ni des 339.864,78 F TTC d’équipement intérieur de la bibliothèque (C.M. du 8/04/2000), ni des frais de fonctionnement. Il n’est donc rien d’étonnant qu’à 1 F de subvention correspondent 3 F d’emprunt (Budget primitif 2000) ; ce qui est infiniment plus grave, c’est l’appropriation irrégulière du legs Imbert, ce sont les viols flagrants d’un testament : ce sont là procédés de commune aux abois. La Maison Peyras est réduite à une opération de croio, non de voio, comme le furent les Logements-Foyers en leur temps si proche.

     LA GARDETO publie, page suivante, la teneur exacte de la délibération du Conseil Municipal du 22 avril1945 portant acceptation du legs Imbert ; le format du document et la qualité de son papier n’en ont pas permis une reproduction de bonne qualité, mais l’exactitude de la copie permettra à chacun de se forger une opinion en toute connaissance de cause.


ACCEPTATION DU LEGS IMBERT PAR LA COMMUNE.

L’an mil neuf cent quarante cinq et le 22 avril à seize heures le Conseil Municipal s’est réuni dans le lieu ordinaire de ses séances sous la présidence de M. CHRISTOL Albert Maire. Etaient présents : MM Christol, Roux, Pellat, Avon, Bassanelli, Madon , Pourpe, Julien, Melle Fenouil.

Monsieur Madon Marcel a été élu secrétaire.

Le Maire fait connaître au Conseil que Mr. ROUX, notaire à Céreste, demande de donner lecture de deux testaments faits par Mr IMBERT Gaston, en son vivant instituteur à Casablanca où il est décédé le vingt quatre avril mil neuf cent quarante trois, ces testaments contenant des legs intéressant la commune. Monsieur Roux est autorisé à donner lecture de ces documents.

Le premier est en date à Casablanca du 25 octobre 1938. Il contient divers legs particuliers puis il lègue à la commune de CERESTE tout le montant restant de sa fortune à la charge par ladite commune de distribuer le revenu de cette fortune de la manière suivante :

1°- Je donne tout le reste de ma fortune, titres et argent en dépôt au Crédit Lyonnais à MARSEILLE, titres et argent en dépôt à la Société Générale à Marseille, Livret de la Caisse d’Epargne, établi à la poste de Casablanca, etc. à la Commune de CERESTE (Basses-Alpes) pour être utilisé comme indiqué plus loin. Reçus, récépissés et livret se trouvant dans mes malles et mes affaires.

     La somme acquise par la commune de CERESTE (titres, billets etc.) sera utilisée en totalité de la manière suivante : Une somme de mille frs (1.000 frs) sera donnée à chaque mère, habitant à CERESTE (Basses-Alpes) depuis au moins un an à l’occasion de la naissance d’un enfant ; cette somme sera donnée seulement un mois après la naissance et si l’enfant (garçon ou fille) est vivant à ce moment.

     Cette distribution sera faite jusqu’à épuisement du capital ; naturellement les intérêts s’ajouteront au capital.

Le deuxième en date à Céreste du 1er septembre 1939 contient les dispositions suivantes :

     Je donne la jouissance à Mme Vve SANDOZ de Céreste et jusqu’à sa mort de ma maison, de mon jardin et de mes terres que je possède à Céreste, ainsi que du contenu de ma maison, dont elle disposera à son gré. A sa mort ma maison et mes terres seront vendues aux enchères et le produit de la vente sera utilisé comme indiqué ci-dessous pour le restant de ma fortune.

     Dès mon décès ma fortune composée d’un livret de la Caisse d’Epargne, de billets de banque, de titres déposés à Marseille à la Société Générale (Canebière) et au Crédit Lyonnais (rue St Ferréol) et dont les récépissés se trouvent dans une de mes malles à la Maison de transports Bedel à Casablanca, des meubles de cette même maison, une auto qui sera vendue et se trouve au Garage Renault à Casablanca, etc. le tout immédiatement et au plus tard au décès de Mme Sandoz ; le produit de la vente de ma maison et de mes terres ainsi que de mon jardin seront utilisés de la manière suivante :

     1°- Une somme de mille F sera donnée à chaque couple à l’occasion de leur mariage à condition qu’ils aient tous deux moins de trente ans et que l’un ou l’autre des conjoints résident à Céreste depuis au moins un an.

     2°- Une somme de mille F sera donnée à tous les ménages résidant à Céreste depuis au moins un an à l’occasion de la naissance d’un enfant et seulement si l’enfant est vivant à ce moment-là.

     Actuellement le nombre des naissances et des mariages étant très faible, les intérêts suffiront à payer les primes.

     Si le total des intérêts d’une année n’a pu être distribué ce qui reste sera envoyé chaque année à la Mairie d’APT qui l’utilisera comme il lui plaira.

     Si les intérêts ne suffisent pas à payer les primes au mariage et à la naissance, il sera prélevé sur le capital jusqu’à extinction de ce capital’’.

Le Conseil, après avoir entendu la lecture de ces testaments est unanime à exprimer sa reconnaissance à Mr Imbert qui fait ainsi un don important à la Commune de Céreste et récompense les jeunes habitants de Céreste qui se marient ainsi que ceux à qui il naîtra des enfants. Demande à Mr ROUX détenteur de l’un des testaments de faire les formalités nécessaires pour leur exécution selon les désirs du défunt. Il charge ledit notaire de s’occuper personnellement du transfert du corps. Puis après avoir délibéré, décide d’accepter le legs généreux et demande à Monsieur le Préfet de vouloir bien autoriser la commune de CERESTE à l’accepter, après prélèvement sur le capital réaliser la somme nécessaire au transfert du corps du défunt lorsque les relations normales seront rétablies entre le Maroc et la Métropole.

     Fait et délibéré à Céreste le jour, mois et an que dessus. BASSANELLI, AVON Clément, A.CHRISTOL, MADON, J.FENOUIL, POURPE, PELLAT, ROUX.

     N°572. Approuvé par Mr le Préfet des B.Alpes le 17.2.1947. P. le Préfet, le Secrétaire Général. Signé illisible.

 Ce qui frappe au premier coup d’œil dans la lecture de ce document, ce sont les dates : Monsieur IMBERT est décédé le jour de la fête patronale de Céreste ; le premier testament a été rédigé moins d’un mois après Munich, son style est clair et précis ; le second date du jour de l’entrée des troupes allemandes en Pologne, deux jours avant la seconde guerre mondiale : on n’y reconnaît pas le style d’un instituteur et le deuxième paragraphe est même confus.

Ainsi donc, afin d’assurer le service des primes au mariage et à la naissance qu’il a instituées, M.Imbert a légué à la Commune un capital mobilier auquel devait s’ajouter, à l’extinction de l’usufruit consenti à Mme Sandoz, le produit de la vente aux enchères de trois biens immeubles : une maison, un jardin, des terres. Le revenu annuel de ce capital, s’il excède le total des primes, doit bénéficier à la ville d’Apt. Le notaire de Céreste est expressément chargé par le Conseil Municipal de procéder à la vente aux enchères des immeubles et au rapatriement du corps de M.Imbert.

Que s’est-il passé ? Il n’y a eu, semble-t-il, aucune vente aux enchères. La maison Imbert a été vendue de gré à gré dernièrement et son prix a été utilisé à d’autres fins que celle voulue par le testateur et acceptée par le Conseil Municipal de 1945 ; il a été toutefois prélevé sur ce prix la valeur supposée de ce bien à un moment supposé pour assurer le service des primes réévaluées à partir de la valeur du francs de 1961. Et le notaire sur lequel pèse les obligations de son prédécesseur siège au Conseil Municipal, tout comme y siégeait celui-ci ! On en reste pantois car enfin on est en présence d’une triple violation formelle du testament qu’il est chargé d’exécuter : la forme de la vente n’a pas été respectée, son produit a été purement et simplement détourné de son affectation, la ville d’Apt est spoliée de sa part des intérêts de l’intégralité du capital. Quant à la revalorisation de la prime, sa base de référence ne peut qu’être celle de son institution, soit le 1er septembre 1939 ou tout au moins la date du décès ou de l’acceptation du legs. Quant au corps de M.Imbert…

Quoiqu’il en soit, la réalisation de la Maison Peyras n’a pu se faire que grâce à ce détournement du prix de la maison Imbert ; c’est indiscutable. Ce qui est tout aussi indiscutable, c’est que le notaire conseiller municipal de 1999 a fait exactement le contraire de ce dont le notaire conseiller municipal de 1945 était chargé. Qu’arrivera-t-il si la Commune doit recombler le fonds Imbert ?

LA GARDETO remercie Monsieur le Maire de l’obligation avec laquelle il a assuré la communication du registre des délibérations du Conseil Municipal de 1945, versé aux Archives Départementales, et des renseignements qu’il a bien voulu nous fournir en complément de cette consultation.

-------------------------------------------------------------

 

LA VIDO EN CERESTO.  Aier.

‘’MONTJUSTIN ES BEN ESTA PRES’’


     Après la mort mystérieuse de son fils Jean d’Anjou, puis celle de son petit-fils Nicolas, le bon Roi René se trouva sans autre héritier direct que René II de Lorraine, fils de sa fille Yolande. Il fit donc un beau testament par lequel il légua à ce dernier le Duché de Bar, contigu à la Lorraine, et l’Anjou et la Provence à son neveu Charles du Maine, vieux croûton stérile trottinant vers la tombe. Mais il avait aussi un autre neveu, son bon neveu, Louis XI.

     Celui-ci n’apprécia guère les intentions testamentaires de l’oncle René ; une promenade avec une bonne armée et voilà la question d’Anjou réglée par le retour de cette province à la couronne. Puis, après avoir accusé le bon oncle de lèse-majesté et autres crimes que le pauvre vieux était bien incapable de perpétrer ou seulement d’imaginer, il expédia des ambassadeurs à Aix. D’autant plus persuasifs que Louis XI et son armée étaient à Lyon, ils exposèrent au Roi René, Comte de Provence, et à son féal conseiller Palamède de Forbin que c’était bien mal reconnaître la tendre affection de son neveu que de l’avoir omis de son testament. L’astucieux conseiller suggéra le remède : puisque Charles de Maine n’avait guère de chances de chauffer longtemps ses rhumatismes au soleil de Provence, pourquoi ne pas disposer qu’à sa mort le Comté reviendrait à son cousin Louis ? Sitôt dit, sitôt fait ; Louis XI put aller avec son armée baguenauder plus au nord et oublier les crimes d’un si brave parent.


     Le roi René mourut en 1480, Charles en 1481 et les choses ne traînèrent pas : quinze jours plus tard Palamède de Forbin fait adopter par les Etats de Provence les privilèges et statuts par lui concoctés. La Provence demeurera autonome sous la suzeraineté du Comte de Provence, roi de France, représenté par un lieutenant-général provençal. Comme par hasard, Forbin occupa ce poste avantageux. Mais Louis XI meurt en 1483 et son successeur, Charles VIII, balaie le Forbin et nomme à sa place un estrangié, puis réunit la Provence au Royaume tout en jurant de respecter son autonomie. Il la respecta, comme la chèvre respecte le chou : en la rognant toujours plus, tant et si bien que son successeur Louis XII put la gratifier de son troisième fléau, le Parlement, comme si le Mistral et la Durance ne suffisaient pas.

     Pendant cinquante ans les guerres de religion étripèrent la Provence ; en 1545, Maynier d’Oppède, cumulant les pouvoirs du Lieutenant-Général et ceux de Président du Parlement d’Aix, rapina, brûla, massacra le Pays d’Aigues (Pays d’Aix, fief de l’Archevêque d’Aix) et le Luberon en vertu de l’arrêt de Mérindol de 1540. La guerre du Comtat Venaissin contre les Parpaillots cancérisa toute la Provence (1562). La Ligue, la guerre des trois Henri (le Roi, Guise, Navarre) se coulèrent dans la querelle religieuse et chacun eut une pieuse raison pour ouvrir et régler n’importe quel compte avec n’importe qui pour peu qu’il y ait n’importe quoi à gagner. Dieu était chargé de reconnaître les siens et on ne rechignait pas à lui fournir de la besogne.

     Faire la guerre coûte cher ; le 6 juin 1589, le gouverneur de Provence pour le Roi, La Valette, un estrangié, réunit une assemblée de communes à Reillanne et à Céreste pour leur faire financer une offensive sur Riez et Allemagne, places protestantes ; puis il prit avec son armée la route de Céreste à Montfuron par Montjustin. Juché sur sa crête, ceint de murailles, bardé de tours, Montjustin était tenu pour imprenable ; enclave de l’évêché d’Aix coincée entre ceux de Sisteron (Reillanne) et d’Apt (Céreste), le village était une citadelle, une Carcassonne, la Pucelle du Comté de Forcalquier. Voilà de quoi donner à ses habitants le goût d’une certaine indépendance… Etaient-ils ligueurs, parpaillots, bigarrats, navarrais ou tout simplement peu désireux de fournir le repos du guerrier à La Valette et à ses royaux soudards ? Toujours est-il qu’ils refusèrent l’entrée de leur ville à l’armée royale de passage.

     Mal leur en prit. D’autant plus autoritaire que l’autorité d’Henri III le roi son maître était contestée, défié à la vue des deux cités où sa volonté venait de regarnir son escarcelle, La Valette ne discuta pas : il mit le siège devant Montjustin, et Montjustin fut pris. Il fallut 140 coups de canon, trois assauts, mais le village put être anéanti. Trente hommes furent pendus illico et le massacre, le pillage, le rançonnement des rares survivants assirent le prestige du Gouverneur de Provence pour le Roi. Pauvre roi ! Les pendus de Montjustin n’étaient pas encore desséchés par le soleil et le mistral qu’Henri III recevait la visite de Jacques Clément. Et il fallut plus de cinq ans à Henry IV pour mettre fin à tant d’atrocités auxquelles tant de gens avaient pris tant de goût.

     Voici quelques dizaines d’années, Montjustin était encore un village de ruines : une église crevée, la petite mairie, une ou deux maisons peut-être, des monceaux de pierres retenus par des remparts rasés et des soubassements de tours, le silence et le vent… Et un vieux proverbe à double interprétation : Montjustin es ben esta près. Tout peut arriver, rien n’est impossible, Montjustin a bien été pris ; inutile de forcer notre possible ou de croire à l’impossible : Montjustin a bien été pris !

     Quant au chemin reliant Céreste à Montfuron, il n’est plus utilisable depuis belle lurette : pour vous rendre à Riez, passez donc par les Granons… Et si l’envie vous prend de tester, pensez au bon Roi René et à l’exécution que l’on peut infliger à un testament, si clair et généreux soit-il.